Vivre
avec une personne souffrant d'un trouble de personnalité borderline (suite)
Par Michel
Gagnon, Psychologue Québec
Caractéristique des Borderline
1. Hypersensibilité
à l'abandon, réelle ou imaginée, reliée à une incapacité de vivre la
solitude, et efforts excessifs pour l'éviter (rage, colère, menaces,
supplications, etc.). L'entourage se sentira facilement coupable dans de telles
circonstances et c'est normal. Qu'il s'agisse, d'un abandon réel (rupture
définitive de la part du conjoint) ou imaginé (absence temporaire pour une
raison quelconque, que ce soit le travail ou autre chose), il est préférable de
ne pas se soumettre au besoin de la personne borderline d'éviter l'abandon,
même si ça peut être efficace à court terme (soulagement de sa détresse et de
notre culpabilité), car la situation deviendra de plus en plus insoutenable et
frustrante à plus long terme, avec un désir de rejet encore plus pénible à
vivre pour tout le monde.
2. Relations
interpersonnelles intenses, très chargées émotivement et instables,
alternant entre des sentiments extrêmes et opposés : l'idéalisation lorsque
l'autre semble combler le sentiment de vide et de désespoir, et la dévaluation
à la moindre déception ou frustration; attitude fusionnelle insécure et
possessive; faible tolérance à une relation calme ou neutre; besoins affectifs
intenses vs peur d'être profondément blessé. Il est très important de ne pas
se laisser prendre dans une situation fusionnelle, même si ça peut être
valorisant de se sentir admiré, car personne ne peut être toujours à la hauteur
et disponible, et ainsi éviter de décevoir la personne borderline. Il faut donc
transmettre le plus rapidement possible l'idée de limites et d'autonomie, qu'on
ne peut toujours être disponible et que la personne borderline n'a pas toujours
besoin de notre présence. Il est important de garder le plus possible son calme
en le faisant, même si la personne borderline le tolère mal, car c'est ce qui
permettra, à la longue, de rassurer véritablement cette personne.
3. Instabilité
affective reliée à une très grande sensibilité et vulnérabilité aux
événements, aux situations ou aux remarques négatives des autres, provoquant
des réactions intenses d'irritabilité, de dépression, d'anxiété, de rage et de
désespoir; amplification rapide des sentiments; fluctuations d'humeur sans
raison apparente. Ceci peut être vraiment éprouvant, décourageant et
insupportable pour l'entourage. Il est donc important de ne pas se laisser
envahir par ces émotions qui appartiennent à la personne borderline. C'est
ainsi qu'on sera en mesure de lui exprimer une certaine compréhension et de la
compassion tout en imposant nos limites claires et fermes en exprimant nos
propres sentiments plutôt que d'accentuer l'intensité émotionnelle en étant
accusateur ou en jugeant cette personne. Il est important de conserver son
identité propre, ses émotions, et de ne pas s'identifier à la détresse de la
personne borderline; il ne faut pas craindre d'affirmer sa différence dans sa
façon de voir les choses et de réagir. La personne borderline en sera peut-être
frustrée sur le coup, mais elle sera probablement rassurée par la suite de voir
qu'elle n'arrive pas à nous perturber et nous en sera reconnaissante. Si on se
sent envahi par les émotions de l'autre, il y a lieu de se questionner sur sa
propre dépendance vis-à-vis de cette personne.
4. Difficulté à
contrôler la colère, qui est exprimée souvent de façon intense,
violente, imprévisible et inappropriée, et qui peut disparaître aussi
rapidement; ou difficulté à exprimer de la colère de peur de perdre le
contrôle. L'entourage reste souvent perturbé plus longtemps par les accès de
colère de la personne borderline, alors que pour celle-ci, tout est,
habituellement, oublié rapidement. Il s'agit donc de ne pas dramatiser outre
mesure ces accès de colère, tout en affirmant quand même certaines limites
acceptables. Il ne faudrait pas ridiculiser les accès de colère (ce qui ne
ferait que les accentuer), mais les prendre avec un certain détachement et de
l'humour (mais aussi de la compréhension), ce qui dédramatiserait la situation,
car pour la personne borderline ce n'est souvent pas aussi dramatique qu'il n'y
paraît (elle a simplement besoin de laisser sortir de la vapeur).
5. Difficulté à apaiser soi-même sa détresse en
pensant simplement à quelqu'un qui l'aime ou l'apprécie; besoin de la présence
physique de l'autre pour y arriver; faible tolérance à la détresse reliée à une
carence d'expériences positives. Voir le point 2.6. Trouble de l'identité,
avec une image de soi instable, un sentiment d'être morcelé, de se donner
différentes identités selon l'interlocuteur, et un sentiment chronique de vide
intérieur. L'entourage se sent souvent démuni devant ce genre d'attitude. Il
est important d'encourager la personne borderline à exprimer ce qu'elle pense
et ressent vraiment tout en validant ce qu'elle exprime, et de lui faire part
des qualités qu'on reconnaît en elle (voir les caractéristiques positives
mentionnées plus haut), de ses bons côtés, de sa valeur comme personne méritant
d'être respectée et aimée.
7. Recherche de sensations fortes dans des
comportements impulsifs potentiellement dangereux ou dommageables (abus de
substances, boulimie, conduite automobile téméraire, comportement sexuel à
risque, dépenses excessives, jeu, vol à l'étalage) dans le but de combler le
sentiment de vide, de se créer une identité ou de soulager sa grande douleur.
Ce type de comportement devient facilement irritant ou troublant pour
l'entourage. Il est important alors d'être sensible à la détresse sous-jacente
à ces comportements excessifs et de communiquer cette compréhension en évitant
de juger ou de condamner, mais en confrontant la personne aux risques qu'elle
prend tout en exprimant nos préoccupations et notre attachement. D'un point de
vue plus positif, il peut être stimulant de se laisser influencer par ces
personnes en s'ouvrant aux découvertes, aux nouveautés, aux fantaisies, tout en
étant bien en contact avec soi-même et attentif à ses limites personnelles.
8. Menaces ou gestes suicidaires et
d'automutilation dans le but de crier ou de soulager sa détresse insoutenable.
Voir le point 7. Il ne faut surtout pas jouer au thérapeute mais plutôt
exprimer à cette personne notre attachement, notre inquiétude et nos limites,
et l'inciter à se procurer de l'aide professionnelle.
9. Pauvre estime de soi, sentiment de honte, image
négative de soi (impression d'être sans valeur, d'être un monstre, d'être
méchant et démoniaque), provoquant parfois un besoin de se considérer comme un
être meilleur ou supérieur aux autres, s'imposant des standards
perfectionnistes, ayant une perception de soi irréaliste et une difficulté à
accepter l'échec; besoin d'être valorisé, de recevoir l'approbation et la
reconnaissance des autres. Voir le point 6.
10. Moments passagers d'idées paranoïdes ou de symptômes
de dissociation (impression de ne pas être là, de perdre contact avec soi-même,
de se sentir étranger, irréel, engourdi) en réaction à un stress intense. Il
est très compréhensible que de telles situations soient inquiétantes pour
l'entourage. Il ne faut pas perdre de vue que ce sont des réactions temporaires
à une situation de stress (et non une maladie chronique) et que la personne
retrouve généralement son état normal assez rapidement. Il faut donc rassurer
la personne borderline à ce sujet, mais si ces réactions sont fréquentes et
excessives, on peut aussi lui suggérer d'aller chercher de l'aide
professionnelle et souligner qu'il existe des médicaments pouvant réduire
l'intensité de ces réactions et donc lui être utiles.
11. Peur de la folie (que les émotions intenses et
les comportements excessifs hors contrôle soient des signes de folie). Il est
souvent dramatique que l'entourage développe cette perception de folie et la
transmette à la personne borderline par manque d'information. Il est donc important
de bien s'informer sur ce qu'est un trouble de la personnalité borderline, et
d'en faire part à la personne concernée, afin d'en avoir une perception plus
réaliste qui sera aussi transmise à cette personne.
12. Besoin de compenser un manque de contrôle sur
soi-même et sur sa vie en contrôlant et en manipulant* les
autres. Ce genre de comportement est irritant pour l'entourage. Il est faux de
prétendre qu'il ne faut jamais se laisser manipuler par une personne borderline
en craignant qu'elle en abuse. On se retrouve alors dans une guerre de pouvoir
qui n'en fini plus. Comme avec un enfant, il est préférable de tolérer un
certain degré de manipulation. Il devient alors plus facile pour cette personne
d'accepter éventuellement des limites, si elle se sent comprise et si elle sent
qu'il y a une certaine tolérance.
13. Révolte contre l'autorité, les règles, les
injustices; ressentiment, insatisfaction, envie; impression de ne pas avoir
droit au bonheur; sentiment d'avoir subi des injustices et qu'alors quelque
chose lui est dû. Un tel comportement devient rapidement insupportable et
décourageant pour l'entourage. Il est important de reconnaître et de valider
les sentiments de cette personne, de lui apporter un soutien, mais en même
temps de la confronter aux réalités de la vie, au fait qu'il est impossible
d'éviter ou de réparer toutes les injustices même s'il est important de les
dénoncer, et que vivre implique aussi une capacité à faire des concessions.
14. Très grande sensibilité aux autres; capacité à
percevoir les points sensibles et vulnérables des autres, à comprendre ce
qu'ils ressentent tout en ayant parfois de la difficulté à en tenir compte ou
en s'en servant pour blesser les autres. Ceci peut être très troublant pour
l'entourage. Il faut donc être prêt à être confronté à sa propre détresse, à
être touché à ses points sensibles et vulnérables afin de se sentir moins
fragile à ces attitudes. Sinon, il y a peut-être lieu d'aller chercher de
l'aide pour soi-même.
15. Bonnes compétences et capacités de performance,
malgré de grandes carences, dans certaines situations ou certains domaines
(artistique, sportif, etc.) et perte de moyens dans d'autres situations, ce qui
est souvent difficile à comprendre pour l'entourage. Il est important de bien
reconnaître et valoriser les compétences tout en évitant de juger négativement
les carences.
Il faut encourager alors cette personne à persister pour
améliorer ses carences en lui rappelant les compétences qu'elle a par ailleurs
et ses caractéristiques positives.
Outil d'information et de coaching
Différents moyens peuvent être utilisés pour transmettre
cette information et apporter de l'aide aux familles des personnes souffrant
d'un trouble de la personnalité borderline. Personnellement, j'ai trouvé fort
utile de condenser l'information décrite plus haut en un dépliant qui peut être
facilement distribué dans différentes cliniques ou ressources communautaires.
Michel Gagnon est psychologue aux services
externes de psychiatrie à l'Hôpital du Haut-Richelieu.
Source : Psychologie Québec - Le magazine de l'Ordre des
psychologues du Québec, Volume 22 - Numéro 3 - Mai 2005,
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