Tu es là sur ton lit médicalisé en ce 1er mai 2016 et je m’installe près de toi, je t’enlace comme pour te retenir. Je caresse ton front, ton visage est calme. Le sommeil t’envahit. Tu ne souffres pas. Ton souffle est paisible et me berce vers l’endormissement.
Nous nous rejoignions tous deux face à un long couloir. Hâtivement je prends ta main, elle me saisit encore. Ensemble nous avançons dans ce long couloir blanc.
Une musique douce, lascive accompagne nos pas. Lentement je te suis sur ce chemin que tu sembles connaître. Moi qui ne sais pas s’il faut avancer ou s’enfuir, je regarde ta détermination, je la sens, je l’admire. Tu es mon guide...
Nous avançons encore, tu es si loin maintenant du lit que tu viens de quitter. Une force secrète t’anime...Je ne sens presque plus la pression de tes doigts mais ma main reste là sur la tienne comme s’il était possible qu’elles restent à jamais soudées.
Et puis comme toi j’avance, j’avance dans l’infini, j’ai quitté notre rive. Mon cœur prend la mesure de la sérénité dans cette musique d’accueil comme inventée pour toi, pour qu’elle assure tes pas vers ce cheminement qui t’amène au-delà.
Une porte à deux battants s’entrouvre, mes yeux ne peuvent voir ce qu’enfin tu aperçois. Tu es sur le seuil, ton corps au fil des pas est devenu immatériel mais je ressens ton âme et tu me parles enfin. La porte est maintenant grande ouverte et moi je ne vois rien. Mon regard se ferme et mon esprit s’ouvre à ta description
Une aurore boréale offre sa magnificence au nouvel arrivé. Tu ne sais que me dire tant tu es subjugué. Tu murmures seulement « Comme c’est beau, comme ici tout est paisible et doux ! » Je te laisse avancer, tu as franchi le seuil où moi je dois rester.
Des milliers d’âmes, auréolées de lumière, donnent un effet surnaturel à cette fresque diurne mais tellement vivante d’un nouveau monde venu s’offrir à toi.
L’une d’elle est plus rapide et t’enlace déjà. Ebahi, tu murmures en voyant ma fille : « Céline ?» Mais elle est trop pressée pour te laisser parler « donnes moi des nouvelles d’en bas ! De maman ? De Laurent ? »
Elle t’informe déjà qu’elle sait tout de nos peurs, qu’elle sait tout de nos pleurs d’ici bas. Pleurer la mort n’a pas de sens, explique t’elle. Peut-on pleurer devant la fleur qui s’épanouit sous les rayons du soleil ? Pleurer un être cher, c’est pleurer son absence, c’est manquer de confiance, c’est douter du bonheur qui va l’étreindre dans cet au-delà inconnu. Nous avons tous une mission ici, c’est veiller sur nos êtres chers. Nous sommes là pour ceux qui restent en bas. Alors on envoie des petits signaux. Pourquoi ne regardez-vous pas suffisamment les étoiles ? Elles scintillent pour vous, vous envoient des messages d’amour.
Tu me transmets son message dit avec tant de ferveur et tu ajoutes, ne t’inquiètes pas pour moi, je vais bien, j’ai la foi.
De douces larmes perlent sur mon visage, il me faut te quitter, je dois te laisser partir. Dieu qu’on est égoïste dans ces moments là ! Mais je n’ai pas le choix, mon corps se réveille. Tu es là, immobile, ton corps est déjà froid. Seule ton enveloppe terrestre me fait vibrer d’effroi mais je sais maintenant que ton âme est partie, qu’elle ne me quittera pas. Alors je te souris, caresse tes cheveux, baise ton front.
Tu es parti, tu es là bas...
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