Mademoiselle raconte :
À
compter de la séparation de mes parents, l’organisation a été très simple : je
vivais avec ma mère, et j’allais chez mon père pour les vacances scolaires
(Toussaint, Noël, février, Pâques, et un mois sur deux pendant l’été). Je
partais en avion, toute seule, comme une grande, ma mère me posait à Toulouse
Blagnac, mon père me récupérait à Bruxelles National. Une chouette vie pour une
mouflette de moins de 10 ans.
J’ai peu de souvenirs de mon enfance, je me souviens du jour où on est parties de Belgique avec ma mère, et d’autres trucs assez vagues, mais rien de bien précis. Les vacances chez mon père, c’était le pied, pendant les premières années en tout cas.
Comme il me voyait très peu pendant l’année, j’étais pourrie gâtée quand j’étais là-haut, et il aménageait son emploi du temps en fonction de moi… enfin, au début.
La dernière fois qu’il a été satisfait de moi, je devais avoir 7 ans. Il m’avait promis que si j’étais première de ma classe (j’étais en CE1) on partirait faire du cheval en Camargue (le rêve d’une petite cavalière). Toute l’année, il m’a dit que de toute façon je n’y arriverais jamais, mais il avait tort. Et on est partis en Camargue.
C’était la dernière fois. Après, mes notes ont baissé, moi j’ai grandi, et il a cessé de m’aimer. Enfin… disons que plus rien n’était jamais assez bien. Je me souviens, il appelait une fois par semaine, le dimanche, et la première chose qu’il me disait c’était « T’as eu des notes ? » – et bien sûr, elles n’étaient jamais assez bonnes.
J’ai grandi comme ça. En entendant répéter que j’étais nulle, que mes notes étaient mauvaises, que j’étais moche, trop grosse (je fais 1m63 pour 59kg), que je ne savais pas m’habiller, que mes potes étaient des cons, mon sport ridicule et mon niveau sportif encore plus, mes petits amis ont tous été détestés, sans raison, juste parce qu’ils étaient mes copains, etc.
Ça peut paraître anodin, futile, mais c’était comme ça toutes les semaines à partir de mes sept ans, et ça dure encore aujourd’hui. Et quand j’étais chez lui, c’était pire : il adore se donner en spectacle, et écraser les autres pour paraître plus fort est son sport favori. Alors dès qu’il y avait du monde, c’était parti pour le show.
J’ai un souvenir que je n’oublierai sans doute jamais (malgré ma mémoire de poisson rouge) : on était en voiture, il était au téléphone (je n’ai jamais su avec qui) et je l’entends encore dire « Ma fille c’est la femme qui me coûte le plus cher et que je ne pourrai jamais sauter » – et ce genre de « blagues » le faisait hurler de rire, et ses « amis » aussi. Hilarant, hein ?
Tout était comme ça, je n’étais jamais assez bien. Jamais assez parfaite. Et mes cousins (3 et 5 ans de moins que moi) étaient tellement mieux, toujours… Il ne m’a bien sûr JAMAIS dit qu’il était fier de moi, ni même un simple « Bravo ». Le jour où j’ai eu mon bac, son seul commentaire a été « Ben encore heureux que tu l’as eu ! ». Ok.
Mon choix d’études (scientifiques, depuis la seconde) lui déplaisait très fortement : j’ai tout entendu, mais surtout que je n’étais pas une scientifique, que j’étais une littéraire, donc après mon bac je suis partie en lettres (pour voir) : j’ai tenu un an et je suis retournée dans une branche scientifique, ma voie, définitivement.
Et là j’ai (à nouveau) tout entendu : que j’étais trop nulle, que je n’y arriverais jamais, que je ferais mieux d’abandonner tout de suite plutôt que de continuer, que de toute facon j’allais me planter.
Alors j’ai craqué. J’avais déjà quelques soucis psychologiques depuis un moment, et ça a empiré. Je suis devenue anorexique. Plus rien ne restait dans mon estomac, je mangeais trois miettes que j’allais ensuite vomir le plus vite possible, même une tasse de thé ne faisait pas long feu.
J’ai perdu sept kilos en un mois, je ne dormais plus la nuit, je somnolais en permanence, pas moyen de me concentrer sur mes cours – surtout que je me forçais à faire trois entraînements de sport par semaine pour ne pas risquer de grossir. Mon corps ne tenait plus le choc, et mon moral non plus.
Fin mai, juste avant mes exams, je suis rentrée en France en catastrophe, à bout de forces, sans même finir mon année universitaire.
Quand je l’ai dit à mon père, depuis la France, il m’a insultée. Il m’a dit qu’il fallait me faire interner dans un asile, que j’étais à peine assez bonne pour ca, que je n’étais qu’une sale conne, que je ne méritais même pas de vivre, et d’autres joyeusetés du genre. J’ai coupé le contact. Complètement. Pendant neuf mois.
J’ai recommencé à lui parler récemment, et je le regrette à chaque fois que je l’ai au téléphone : je me fais toujours autant rabaisser, mes études sont merdiques, le job que j’ai décroché pour l’été est une vaste blague, tout y passe.
Il faut aussi ajouter que dès qu’on a le malheur de lui dire qu’on est pas d’accord avec lui et de lui répondre, il se met à hurler. Littéralement. Et comme il fait un mètre quatre-vingt pour cent dix kilos, il fait peur. J’ai toujours eu peur de lui. Combien de fois j’ai pu souhaiter sa mort. Si seulement…
J’ai peu de souvenirs de mon enfance, je me souviens du jour où on est parties de Belgique avec ma mère, et d’autres trucs assez vagues, mais rien de bien précis. Les vacances chez mon père, c’était le pied, pendant les premières années en tout cas.
Comme il me voyait très peu pendant l’année, j’étais pourrie gâtée quand j’étais là-haut, et il aménageait son emploi du temps en fonction de moi… enfin, au début.
La dernière fois qu’il a été satisfait de moi, je devais avoir 7 ans. Il m’avait promis que si j’étais première de ma classe (j’étais en CE1) on partirait faire du cheval en Camargue (le rêve d’une petite cavalière). Toute l’année, il m’a dit que de toute façon je n’y arriverais jamais, mais il avait tort. Et on est partis en Camargue.
C’était la dernière fois. Après, mes notes ont baissé, moi j’ai grandi, et il a cessé de m’aimer. Enfin… disons que plus rien n’était jamais assez bien. Je me souviens, il appelait une fois par semaine, le dimanche, et la première chose qu’il me disait c’était « T’as eu des notes ? » – et bien sûr, elles n’étaient jamais assez bonnes.
J’ai grandi comme ça. En entendant répéter que j’étais nulle, que mes notes étaient mauvaises, que j’étais moche, trop grosse (je fais 1m63 pour 59kg), que je ne savais pas m’habiller, que mes potes étaient des cons, mon sport ridicule et mon niveau sportif encore plus, mes petits amis ont tous été détestés, sans raison, juste parce qu’ils étaient mes copains, etc.
Ça peut paraître anodin, futile, mais c’était comme ça toutes les semaines à partir de mes sept ans, et ça dure encore aujourd’hui. Et quand j’étais chez lui, c’était pire : il adore se donner en spectacle, et écraser les autres pour paraître plus fort est son sport favori. Alors dès qu’il y avait du monde, c’était parti pour le show.
J’ai un souvenir que je n’oublierai sans doute jamais (malgré ma mémoire de poisson rouge) : on était en voiture, il était au téléphone (je n’ai jamais su avec qui) et je l’entends encore dire « Ma fille c’est la femme qui me coûte le plus cher et que je ne pourrai jamais sauter » – et ce genre de « blagues » le faisait hurler de rire, et ses « amis » aussi. Hilarant, hein ?
Tout était comme ça, je n’étais jamais assez bien. Jamais assez parfaite. Et mes cousins (3 et 5 ans de moins que moi) étaient tellement mieux, toujours… Il ne m’a bien sûr JAMAIS dit qu’il était fier de moi, ni même un simple « Bravo ». Le jour où j’ai eu mon bac, son seul commentaire a été « Ben encore heureux que tu l’as eu ! ». Ok.
Mon choix d’études (scientifiques, depuis la seconde) lui déplaisait très fortement : j’ai tout entendu, mais surtout que je n’étais pas une scientifique, que j’étais une littéraire, donc après mon bac je suis partie en lettres (pour voir) : j’ai tenu un an et je suis retournée dans une branche scientifique, ma voie, définitivement.
Et là j’ai (à nouveau) tout entendu : que j’étais trop nulle, que je n’y arriverais jamais, que je ferais mieux d’abandonner tout de suite plutôt que de continuer, que de toute facon j’allais me planter.
Alors j’ai craqué. J’avais déjà quelques soucis psychologiques depuis un moment, et ça a empiré. Je suis devenue anorexique. Plus rien ne restait dans mon estomac, je mangeais trois miettes que j’allais ensuite vomir le plus vite possible, même une tasse de thé ne faisait pas long feu.
J’ai perdu sept kilos en un mois, je ne dormais plus la nuit, je somnolais en permanence, pas moyen de me concentrer sur mes cours – surtout que je me forçais à faire trois entraînements de sport par semaine pour ne pas risquer de grossir. Mon corps ne tenait plus le choc, et mon moral non plus.
Fin mai, juste avant mes exams, je suis rentrée en France en catastrophe, à bout de forces, sans même finir mon année universitaire.
Quand je l’ai dit à mon père, depuis la France, il m’a insultée. Il m’a dit qu’il fallait me faire interner dans un asile, que j’étais à peine assez bonne pour ca, que je n’étais qu’une sale conne, que je ne méritais même pas de vivre, et d’autres joyeusetés du genre. J’ai coupé le contact. Complètement. Pendant neuf mois.
J’ai recommencé à lui parler récemment, et je le regrette à chaque fois que je l’ai au téléphone : je me fais toujours autant rabaisser, mes études sont merdiques, le job que j’ai décroché pour l’été est une vaste blague, tout y passe.
Il faut aussi ajouter que dès qu’on a le malheur de lui dire qu’on est pas d’accord avec lui et de lui répondre, il se met à hurler. Littéralement. Et comme il fait un mètre quatre-vingt pour cent dix kilos, il fait peur. J’ai toujours eu peur de lui. Combien de fois j’ai pu souhaiter sa mort. Si seulement…
J’ai 22 ans. Je suis à peine en train
d’apprendre à m’aimer, et à m’accepter, j’ai heureusement ma mère et mon petit
ami qui me soutiennent, et qui me répètent que non, je ne suis pas nulle, et
que oui, je vais y arriver. Je déteste mon père.
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