« Etre parent est un dur métier », un
métier pour lequel il n’y a pas d’école. Et quand de surcroît notre enfant
présente des difficultés, que l’on appelle cela « troubles du
comportement » ou « trouble du développement » ou « trouble
de la personnalité »... de la même façon que pour n’importe quel handicap,
aucun parent n’y est préparé.
Chaque
individu possède en lui un volcan toujours en activité. C'est une force de
création extraordinaire comme cela peut être une force de destruction sans
pareille. C'est l'image du soleil qui donne la vie ou bien qui brûle, la pluie
qui abreuve ou bien qui noie, la force qui bâtit des empires ou celle qui
anéantit la vie.
Si
nous laissons aller notre volcan sans possibilité de contrôle, il risque de
dévaster notre vie et celle de nos proches.
Si
nous en maîtrisons la puissance, nous serons à même de créer le bonheur et la
vie autour de nous. (Hérvé Desbois)
Le regard de l’autre
Dans notre société contemporaine, qui n’offre pas
de sécurité affective, et où il ne fait pas bon être adulte, l’environnement
interne (familial) et externe (environnemental) n’apporte pas à l’adolescent la
stabilité dont il aurait tant besoin.
Or l’adolescence est une période trouble par
essence. L’adolescence est une période charnière, coûteuse (psychiquement), car
conflictuelle pour l’enfant et pour les parents.
Si l’enfant développe alors des troubles du
comportement, il déstabilise l’entourage, épuise son environnement et provoque
des réactions négatives et d’incompréhension.
En effet, les jeunes qui présentent des troubles
du comportement n’attirent pas a priori la compassion : Ils dérangent
« l’ordre des choses ». Ne sont-ils pas mal éduqués ? Et les
parents de ces enfants ne sont-ils pas un peu responsables, quelque part ?
Mon enfant était Borderline
J’étais totalement ignorante sur ce trouble du
comportement. Pour moi, à l’adolescence, Céline était devenue dépressive, voire
même suicidaire. Ce n’est qu’après sa mort, à la lecture des rapports médicaux
la concernant que j’ai appris à comprendre cette terrible souffrance qu’elle
portait en elle.
Je la rabrouais sur sa conduite, estimant qu’elle
se mettait trop souvent en danger mais elle me rassurait toujours en me disant:
« Mais Maman, t’affoles pas! Tout le monde fait çà maintenant. Y’a pas de
risque »
Les comportements qui font partie du champ
suicidaire inconscient sont extrêmement nombreux : abus de drogues, d’alcool,
comportements antisociaux, les accidents de la route (moto), jeux du foulard,
conduites à risque…
Toutes ces conduites représentent des modalités de
fuite, de mise à distance, d’une tension interne. Le doute et l’incertitude
quant à sa propre identité amènent l’adolescent à vivre, à se sentir exister en
partant ailleurs, à rechercher de nouvelles identifications qu’il ne peut pas rencontrer
là où il vit. Mon enfant vivait dans sa bulle, utilisant pour son
« envol » des produits illicites…
J’ai évoqué mes craintes mais mon entourage,
pensant sans doute me tranquilliser, me disait. « Ne t’en fais pas, les
jeunes fument souvent un pétard de temps en temps, ils ne sont pas drogués pour
autant »
Borderline, un trouble bien méconnu
Le terme “trouble de
l’attachement” ou “enfant passoire” n’est employé en théorie que pour des
enfants.
Pour les jeunes de plus
de 18 ans, ce trouble s’appelle “BORDERLINE”.
Les caractéristiques de ce trouble
sont :
· Le changement d’humeurs
L’humeur peut basculer
d’un moment à un autre, et même tellement soudainement que les personnes de
l’entourage n’ont aucune idée de ce qui a pu faire basculer cette humeur. Souvent
cette inversion d’humeur est qualifiée “d’hypersensibilité”. L’humeur peut
changer du très heureux vers le profondément malheureux ou par exemple vers une
irritabilité intense.
·
L’impulsivité
Les personnes
“Borderline” prennent souvent leurs décisions de manière impulsive. Sans aucune
réflexion sur les conséquences, elles ont décidé par exemple de suivre une
formation qui, si peu de temps après ne plait pas, est donc aussitôt arrêtée.
L’impulsivité s’exprime souvent aussi à travers des troubles alimentaires, le
gaspillage d’argent ou une consommation démesurée de boissons ou de drogues.
·
Les perturbations d’identité :
Beaucoup de sujets
Borderline ont peu de confiance en soi. Ils ne savent pas bien ce qu’ils
veulent faire de leur vie et ont une instabilité de l’image de soi ou de la
notion de soi.
· Les
sentiments chroniques de vide :
Beaucoup de personnes
Borderline ont une “impression de vide”. Comme si elles se sentaient coupées
des choses.
· La
manière de penser tout blanc ou tout noir.
Le borderline voit
autrui SOIT comme quelqu’un de formidable, SOIT comme quelqu’un complètement
sans valeur et il alterne ainsi entre les positions extrêmes d’idéalisation et
de dévalorisation. Pour lui, il n’a que très peu ou aucune nuance de gris entre
le noir et le blanc.
·
L’automutilation :
Parfois, les tensions montent tellement que le borderline s’abime lui-même, et pas toujours
“inconsciemment”. Parfois, l’automutilation se produit dans des situations
vécues comme une sorte d’ivresse.
· Les phénomènes
psychotiques et dissociatifs
Les personnalités
borderline vivent parfois des états de courte durée. La plupart du temps, ces
psychoses sont transitoires et passent après quelques heures. Souvent, elles se
manifestent par une méfiance démesurée, le fait d’entendre des voix, d’être
dans l’embarras.
La dissociation se
manifeste sous différentes formes. Le patient peut avoir l’impression de ne
plus être dans la réalité et que tout passe à coté de lui sans qu’il y prenne
part (déréalisation).
Il peut aussi avoir le
sentiment de vivre dans un corps duquel il ne sent rien (dépersonnalisation).
Il arrive aussi par
exemple qu’il se rende quelque part, mais qu’il ne sait plus comment il s’y est
rendu, ou même qu’il y est allé. Ces situations peuvent être des expériences
assez angoissantes.
La dislocation est un
état de conscience modifié, comme si différentes fonctions du cerveau n’étaient
plus en accord. L’entourage peut parfois apercevoir des dissociations par le
fait qu’il observe que la personne borderline n’est plus présente en esprit ou
qu’elle donne une impression d’absence.
· La
peur de l’abandon
Beaucoup de patients
borderline ont une frousse bleue de l’abandon. Ils font l’impossible pour
l’éviter
· Les
colères inappropriées.
La prévalence du trouble
de la personnalité borderline est importante, estimée à environ 2% de la
population générale (aux alentours de 10% de la population générale des
adolescents) et entre 15 et 25 % de l’ensemble des patients consultant en
Psychiatrie.
Typiquement, le tableau
clinique de ce trouble de la personnalité débute à l’adolescence, et souvent de
façon très bruyante : surmortalité, tentatives de suicide itératives et graves
(5% de décès par suicide avant l’âge de 30 ans), automutilations, épisodes
psychotiques aigus transitoires (dépersonnalisation, déréalisation), conduites
impulsives (prises de risque, vols, rixes, colère non contrôlée …) et
addictives (prises de drogues, alcoolisations, crises de boulimie …), masquant
ainsi le reste de la symptomatologie (expression d’une identité de soi diffuse,
sentiment de vide persistant, relations interpersonnelles violentes et
chaotiques, lutte pour éviter l’abandon, fluctuations rapides de l’humeur …).
La prise en charge de
ces adolescents borderline est longue, difficile, associe de multiples
modalités thérapeutiques (prescriptions médicamenteuses, psychothérapies,
nombreuses hospitalisations en situation de crise aiguë, séjours prolongés en
établissement de soins ou de soins-études…), et reste peu codifiée.
Dr Bernadette Grosjean est médecin psychiatre spécialisée dans le trouble borderline.
" La psychothérapie est
le traitement essentiel des troubles
borderline car il faut traiter les problèmes de dysrégulation
émotionnelle et de comportement dans un contexte relationnel" martèle le
Dr Bernadette Grosjean
Le traitement psychothérapeutique des troubles borderline est de
longue durée (les spécialistes s'accordent sur une durée de 3 à
5 ans, voire plus). " Il
faut du temps et des expériences émotionnelles correctrices pour modifier les
comportements et les souffrances existentielles intrapsychiques comme les
sentiments de vide et d'ennui" expliquent les Dr Grosjean et
Desseilles. A terme, l'objectif est que le patient devienne son propre
thérapeute. " Les patients ne rechutent pas
tellement, ou de manière moins dramatiques, une fois qu'ils ont appris de
nouvelles compétences pour réguler leurs émotions par le biais de la
psychothérapie" informent les psychiatres.
Concrètement, la forme de la psychothérapie recommandée dépend
des symptômes et de la sévérité de la maladie.
Aussi, dans les cas les
plus "sensibles", notamment lorsque la vie du patient est en
danger (10 % des patients borderline meurent de suicide ou des conséquences
d'actes autodestructeurs), une thérapie dialectique comportementale (TCD)
s'avère indiquée. " Elle a pour but d'aider la
personne à identifier et à contrôler ses émotions par le biais
d'apprentissage de nouvelles compétences émotionnelles"
explique le Dr Grosjean. " On
s'attaque ainsi d'emblée aux comportements qui mettent la vie en jeu"
souligne-t-elle.
Rechercher
des épisodes traumatiques
Heureusement,
" après un an de traitement, quelle que soit la thérapie utilisée,
ces comportements sont généralement sous contrôle" souligne le Dr
Grosjean. Une fois que c'est le cas, le patient peut entamer une phase de
nature "psychodynamique" pour une analyse plus en profondeur des
souffrances intrapsychiques.
" On
va alors par exemple aborder les traumas et les problèmes plus existentiels.
Quand il y a une pathologie borderline, il y a eu en effet souvent des épisodes
traumatiques : maltraitance, négligence ou parfois simplement des
circonstances de vie chaotiques" expliquent les spécialistes.
Les
médicaments
Il n'existe pas de médicaments spécifiques pour traiter les
troubles borderline 6. " Trop souvent, il y a un
problème de diagnostic erroné : on dit aux patients qu'ils sont bipolaires
et on leur donne des médicaments pour ce trouble. Évidemment, le traitement n'a
pas d'effet sur le trouble de personnalité borderline à proprement parler"
déplorent les auteurs.
Le traitement
médicamenteux vient en renfort seulement, lorsqu'il y a une dépression profonde (prescription
d' antidépresseurs), des troubles de
type paranoïa ou dissociatifs importants (une très légère dose
d'antipsychotiques peut alors être bénéfique).