Une fois n’est pas
coutume, aujourd’hui je me contenterai de relater cet article très important.
Ce que j’ai vécu est passé, et je ne veux surtout pas le commenter…
Docteur Bensussan,
qu'entend-on par " viol conjugal " ? Quelle est la réalité et que
prévoit la loi française ?
Le viol
conjugal n'est pas à proprement parler défini par la loi.
Depuis la
réforme de 1980, la loi française a donné une définition précise du viol, qui
est un crime passible de quinze ans de réclusion criminelle. L'article L 222-23
dispose que : " Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il
soit, commis sur la personne d'autrui, par violence, contrainte, menace ou
surprise, est un viol ".
En étendant
ce crime aux époux dans une jurisprudence de 1990, le législateur s'est simplement
opposé au postulat de la soumission d'une épouse au désir de son conjoint, au
nom du sacro-saint mais archaïque " devoir conjugal ". Dans une décision du 11 juin 1992, la Cour de
cassation a confirmé cette jurisprudence en affirmant clairement que " la
présomption de consentement des époux aux actes sexuels ne vaut que jusqu'à
preuve contraire ".
Être marié
ne peut plus signifier le pouvoir de disposer du corps de l'autre, ne pas tenir
compte de son désir ou de son refus.
Le
consentement s'impose donc toujours, même au sein du couple. Ce point de vue
est d'ailleurs celui adopté par la Cour européenne des droits de l'homme (1).
Ce qui, hier encore, était loin d'être une évidence.
Depuis la
loi du 4 avril 2006, renforçant la prévention et la répression des violences au
sein du couple, le viol d'une épouse est d'ailleurs plus sévèrement puni que
celui d'une inconnue.
Prenant à contre-pied la pratique des tribunaux pour
lesquels le statut de conjoint entraînait implicitement une forme d'indulgence
- en termes juridiques, une atténuation de responsabilité - cette loi a
qualifié de circonstance aggravante le fait que le viol est commis par le
conjoint. Cela va sans dire : la règle vaut pour les concubins et les couples
pacsés. Il est désormais beaucoup plus grave, au moins sous l'angle de la loi
et au regard des peines encourues, d'être violée par son conjoint que par un
inconnu dans une ruelle obscure. Très concrètement, c'est une peine de 20
années de réclusion criminelle qui menace le mari brutal ou égocentrique au
lieu des 15 années pour un violeur inconnu de sa victime.
La notion de dégoût, si importante
en sexologie, est lisible en filigrane dans l'intention du législateur : "
Car, en définitive, qui le sait? Bien trop de gens sont persuadés que tout est
permis au sein du couple, y compris l'indicible " .
Vous
semblez critique vis-à-vis de cette évolution, qui semble pourtant le reflet
d'un progrès social : pour quelle(s) raison(s) ?
Depuis 1980,
le législateur a pensé bien faire en introduisant comme critère discriminant
majeur, pour qualifier le viol, la notion de consentement. Cette notion s'étend
au couple, pour lequel : " la présomption de consentement des époux aux
actes sexuels ne vaut que jusqu'à preuve contraire ".
Mais le
consentement à la sexualité est-il si facile à apprécier ? Qu'est-ce que "
consentir " lorsque l'on n'aime plus, que l'on ne désire plus, que l'on se
dispute quotidiennement ? Devrait-on, comme le proposent les féministes les
plus radicales, considérer tout rapport sexuel non désiré comme un viol ?
Comment qualifier l'insistance d'un homme qui parvient à extorquer sans
violence, mais avec insistance, une relation sexuelle dont son épouse n'éprouve
plus le désir ? Certes, nous dit le récent rapport d’enquête : « Céder n’est
pas consentir ». Cela signifie-t-il que tout rapport sexuel non désiré soit
considéré comme un viol ? Je ne le crois pas… pour trop bien connaître, en tant
que psychiatre, la réalité de la sexualité parfois pathétique des couples en
fin de vie.
En y réfléchissant,
combien de couples se sont-ils séparés sans dégradation de leur sexualité ?
N'est-il pas fréquent que des rapports subis sans désir ni plaisir abîment,
davantage encore, une relation que l’amour a déserté ?
Lorsqu'on sait que selon
les enquêtes, la proportion de femmes à travers le monde disant avoir été
victimes de viol conjugal varie de 7% à 50%, on voit que les mots perdent
véritablement leur sens. Le rapport de l’ENVEFF, publié en 2000, nous apprenait
ainsi que « Pour les femmes, aucun lieu n’est sûr : l’endroit le plus dangereux
pour une femme en couple est son propre foyer ». Une telle ineptie ne peut être
énoncée que grâce à la confusion entre l’absence de désir et le viol.
De sorte que
je m'interroge de plus en plus sur la pertinence du terme de viol pour désigner
des agressions aussi différentes que le viol par un inconnu (qui entraîne,
avant tout, une angoisse de mort et un syndrome de stress post-traumatique) et
une sexualité subie, parfois à l’échelle d’une vie conjugale, par l’épouse d’un
mari aveugle ou égocentrique.
Faut-il le
préciser ? Il ne s’agit évidemment pas de banaliser cette situation pathétique,
avilissante pour les deux partenaires : mais de comprendre qu’une sexualité
pathétique, voire misérable, ne peut être assimilée aux relations sexuelles
extorquées par la contrainte ou la menace dans un cadre conjugal. Misère
sexuelle dans un cas, viol conjugal dans l’autre : faudrait-il renoncer à
établir cette différence ?
Quels conseils
pourriez-vous donner aux victimes de viol conjugal ?
Se sentir
victime, psychologiquement, ne revient pas toujours à l’être juridiquement. La
loi donne désormais aux femmes le pouvoir de dire non, qui comporte, en
filigrane, celui de consentir et non plus de subir.
La quête
d'une sexualité épanouissante et gratifiante est désormais un droit fondamental
de la personne humaine. C'est contre une sexualité subie, imposée et aversive
qu'il faut se battre, avec tout le discernement nécessaire.
L'omniprésence
de la " violence psychologique ", alléguée dès qu'il y a conflit,
pousse insensiblement à revendiquer le statut de victime.
La réponse
au douloureux problème de la sexualité imposée relève-t-elle toujours de la
Cour d'assises ?
Le divorce
et la procédure civile paraissent heureusement, dans la majorité des cas, une
réponse mieux appropriée à cette situation.
C’est
pourquoi je ne partage pas les points de vue militants qui, commentant la
récente enquête, considèrent qu’en France oppose « le déni, la loi du silence
et l’impunité dont bénéficient les agresseurs continuent à régner sans partage». Une telle démesure (rappelons que la législation française en matière de
délinquance sexuelle est parmi les plus répressives d’Europe) disqualifie le
progrès qu’il est nécessaire de saluer : la légitime reconnaissance, par le
législateur, du crime de viol entre époux.
Publié
par Isabelle
Eustache, journaliste santé le Lundi 09 Mars 2009 : 01h00 - Mis à jour le
Jeudi 03 Mars 2016 : 16h04
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire