Coronavirus : découvrez les chiffres de la surmortalité en France
Dans le cadre de cette crise sanitaire inédite, L’INSEE
travaille sur ordre et communique « exceptionnellement » le nombre de
décès par jour et par département » toutes causes confondues.
Le but : La transparence : prouver l’impact du
virus, sur la mortalité globale. À noter toutefois que ces données sont provisoires et peuvent fluctuer
en fonction des derniers chiffres.
On constate
une hausse marquée de la mortalité à partir du 20 mars, liée au
Covid-19. Sur la première moitié du mois, la courbe épousait celle de la
mortalité de 2019 avant de s’accélérer et de décrocher sur les dix derniers
jours de mars.
Du 21
mars au 25 mars, on recense plus de 1 000 décès supplémentaires par jour en
2020 par rapport à 2019. Puis du 26 au 30 mars, on passe à 3 000 morts
supplémentaires quotidiens.
Cette phase meurtrière semblerait être derrière nous
aujourd’hui. La France Métropolitaine est passée entièrement en vert nous a
annoncé le Président hier.
Peut-on
espérer que le confinement ait des effets positifs sur la mortalité? Par
exemple il a eu un effet évident sur la mortalité sur la route. C’est encore trop récent pour savoir, nous n’avons pas assez de recul. On ne sait pas très bien quel impact va avoir le confinement sur les autres causes de décès ».
Les décès supplémentaires de mars-avril 2020 par
rapport à 2019 sont-ils entièrement dus au Covid ?
Avec environ 24 000 décès supplémentaires entre
le 1er mars et le 27 avril, cet excès de mortalité évoluant avec le
calendrier de l’épidémie, il est évident qu’il existe un lien entre
l’« excès de décès » relevé par l’Insee dans ses publications
hebdomadaires et l’épidémie de Covid 19. La cohérence entre les zones les plus touchées par
l’épidémie et les départements qui subissent les plus fortes hausses du nombre
de décès apporte une preuve supplémentaire en ce sens.
Pour autant, faire le lien un pour un entre ces décès
supplémentaires et la mortalité due à l’épidémie ne va pas de soi : la période depuis le 17 mars est
atypique parce qu’elle cumule l’effet d’une épidémie inédite et celui de la
mise en place d’un confinement, avec ses conséquences réelles ou supposées sur
les différentes causes de décès :
-
en premier lieu, une diminution de la transmission des
maladies virales (dont c’est le but),
- mais aussi une moindre pollution, une vie au ralenti avec moins d’accidents
- mais
sans doute davantage de stress,
- des
effets éventuels de plus long terme avec notamment des reports de diagnostics
ou de soins pour des cancers,
Chaque
composante est difficile voire impossible à chiffrer.
La
réponse n’est pas si simple.
L’Insee
publie aussi la répartition des décès selon le lieu : hôpital, maison de
retraite, domicile ou
autre. Cette dernière catégorie comprend les « lieux non renseignés »,
ce qui ne facilite pas l’analyse, même si sa part est stable au niveau
national, à environ 10 % des décès en 2020 comme en 2019. Entre 2019 et
2020, l’Insee enregistre environ 6 300 décès supplémentaires à domicile entre le 1er
mars et le 27 avril.
Cette
croissance des décès à domicile suit pour partie la géographie de l’épidémie.
Néanmoins, on observe une croissance significative des décès à domicile dans
des régions peu touchées : dans les Pays de la Loire, les décès à domicile
entre le 1er mars et le 27 avril sont en hausse de 21 % par rapport à
2019, contre +11 % seulement pour le total des décès ; en
Nouvelle-Aquitaine, +10 % alors que les décès n’augmentent que de 3 %
au total.
C’est certainement sur l’excédent des
décès à domicile que l’analyse des causes a le plus besoin d’être menée, en
lien sans doute avec l’évolution des décès à l’hôpital.
En effet,
du 1er mars au 27 avril, l’Insee a enregistré seulement 8 900
décès de plus qu’en 2019 à l’hôpital, pour 14 497 décès
« Covid » répertoriés.
L’« excès
de décès » à l’hôpital dans les données d’état civil est bien inférieur au
nombre de morts liés au Covid recensés dans les hôpitaux.
Cet écart
pourrait s’expliquer par un report d’autres causes de décès vers le domicile, autrement dit, des décès ayant
eu lieu à l’hôpital en 2019 – donc hors Covid – ont eu lieu à domicile en 2020.
De sorte qu’on ne peut pas attribuer au Covid tout le surplus de décès observé
à domicile.
C’est
ainsi que l’AP-HP a publié le 22 avril un communiqué de presse invitant les
franciliens à ne pas renoncer aux urgences médicales ni aux soins courants, sur
la base des observations suivantes :
-
à
l’AP-HP du 15 au 30 mars 2020, le nombre d’appendicites prises en charge par
cœlioscopie a diminué de 35 % par rapport à la même période en 2019.
- Au 14 avril 2020, le
nombre d’accidents cardio-vasculaires accueillis dans les services d’urgence
est inférieur de 15 % sur les 7 derniers jours par rapport à la même
période l’an dernier ;
- celui des cas de
colique néphrétique de 23 %.
- Au total, au sein des
différents hôpitaux de l’AP-HP, depuis la mi-mars 2020, les passages aux
urgences ont chuté de 45 % pour les adultes et 70 % pour les enfants
par rapport à l’an dernier à la même période.
Les
hôpitaux étaient débordés. Leur travail a été méritoire, voir même héroïque.
Mais toutes les maladies habituellement prises en charge ne pouvaient l’être
dans une situation où il a fallu définir les urgences de chaque situation. Ce « tri »
(je n’aime pas ce mot) devait être fait en amont. Les malades eux-mêmes ont
parfois choisi d’attendre pour ne pas ajouter des problèmes aux soignants
débordés, exténués, livrés à eux-mêmes dans cette course folle contre cet ennemi
inconnu, invisible et sournois.
Par
ailleurs, dans un contexte d’encombrement des hôpitaux dans certaines régions
et notamment en île-de-France, il est possible que certains malades en fin de
vie soient restés à domicile ou en maison de retraite plutôt que d’être pris en
charge à l’hôpital.
Dans les
maisons de retraite, l’excès de décès est également inférieur aux « décès
Covid » rapportés par les autorités : le cumul de plusieurs
facteurs (comorbidité) étant fréquent pour les personnes âgées, il est possible
que le Covid n’ait été, dans certains cas, qu’un facteur
« aggravant ».
Enfin,
l’analyse des lieux de décès a révélé que la hausse des décès était nettement
plus forte en maison de retraite (+ 52 % au 7 mai pour une moyenne de +
24 %) que dans les autres lieux (hôpitaux ou clinique, domicile ou autre),
et cette hausse des décès en maison de retraite est plus forte pour les
personnes âgées de 65 à 74 ans que les plus de 75 ans.
À
domicile, la hausse de mortalité est plus marquée pour les femmes très âgées, à
l’hôpital pour les hommes.
Attention toutefois aux conclusions hâtives
Loin
de dénigrer le travail de l’INSEE qui est plus qu’impressionnant, il y a lieu
pourtant, comme le fait d’ailleurs l’INSEE lui-même, de ne pas tirer trop vite
les conclusions sur cette situation exceptionnelle.
Je pense qu’il faudra au moins une année
pour établir une analyse exhaustive de cette période dramatique.
D’autant qu’une nouvelle question se
pose : Quels vont
être les effets du déconfinement, avec les mauvaises nouvelles annoncées :
chômage, faillite, accroissement probable des dépressions et autres effets
secondaires….